LA RENCONTRE DES CULTURES
Myriam et Ibrahim
« Notre avenir est ici »
S’intégrer, apprendre le français pour pouvoir rapidement travailler, voilà leurs deux objectifs, leur réelle obsession.
La proximité avec Guy et Anne, leur pratique de la religion catholique, ont été deux repères essentiels pour relativiser les écarts culturels, familiaux, culinaires et économiques.
Rassurée par l’absence de caméra, en parfaite connivence avec son mari, elle exprime leurs premières impressions, dans un mélange de français, d’anglais, teinté ci et là de mots en araméen.
Ils ont quitté leur pays, pour vivre
En Irak, la peur prédomine, en permanence, pour tout : peur des bombardements, peur de l’enlèvement de leur fille, peur de la guerre, peur de Daesh, peur des attentats, peur de se promener, peur d’aller à l’église, peur de devoir fuir à tout moment.
« En France, life is good, it is relax, people very good. »
Ils redoutent dorénavant les représailles envers leur famille, restée au pays.
« Non, nous ne retournerons pas en Irak, la paix ne reviendra pas.
Nous savons que notre avenir est en France, et nous surmonterons tous les obstacles ».
L’intégration sera plus facile pour les enfants
« Nous apprenons le français une heure et demi par jour, puis nous regardons les informations locales. C’est difficile, surtout pour mon mari ouvrier qui ne parle pas anglais. Mais nous savons que notre avenir est ici.
Notre fille Racha progresse plus rapidement que nous. Au début, elle ne voulait pas retourner à l’école: ‘personne ne veut jouer avec moi, parce que je parle araméen’.
J’ai insisté: ‘tu dois apprendre, jouer avec eux, ton avenir est ici’.
Et maintenant, elle aime l’école, même sa maîtresse Brigitte, elle joue en récréation avec les autres enfants, et parle de plus en plus français. Ses mots préférés, s’il vous plait et merci beaucoup. C’est beau! Chez nous, on n’exprime pas souvent la politesse et la gentillesse. »
La mesure de l’effort à consentir
Travailler est très important pour eux. L’inactivité pèse ; « I need work, j’aime to work ».
Le découragement et les larmes la submergent à la pensée de recommencer de zéro, par exemple apprendre un autre métier. Elle enseignait les mathématiques et l’arabe ; elle va devoir reprendre un cycle complet de formation. Elle envisage désormais l’informatique. Ouvrier carreleur, son mari se dit prêt à toute reconversion dans un autre travail manuel.
Les repères:
« Tout de suite nous nous sommes bien sentis avec Guy et Anne, comme à la maison. Nous les considérons comme des parents. Nos enfants les aiment comme des grands-parents. Nous aimons revenir chez eux, ils sourient toujours.
Nous avons beaucoup joué aux jeux de société, et surtout, nous avons beaucoup ri. Le rire, l’humour facilitent bien des choses.
La messe est identique à celles en d’Irak. Cela nous aide, nous réconforte. Les paroissiens sont bienveillants, nous sommes en confiance ».
La grande différence, c’est la vie de famille
"En Irak, nous habitons tous le même quartier, grands-parents, enfants, petits enfants, dans de grandes maisons ouvertes au passage.
En France, chacun vit de son côté, ou en petits groupes, et vous vous retrouvez de temps à autre. Il y a beaucoup d’animaux pour tenir compagnie, et les personnes âgées vivent en maison de retraite. Cela nous surprend beaucoup.
Chez nous, les mariages sont souvent arrangés, l’amour vient ensuite - parfois, mais pas systématiquement. Chez vous, c’est l’inverse, on tombe d’abord amoureux.
Et chez nous, on ne quitte pas les parents sans être marié ; au point que deux frères célibataires d'Ibrahim sont tenus de rester au pays avec leur père qui refuse d’émigrer..
Le statut des femmes est vraiment différent. En Irak la femme s’occupe de la famille, de la maison, parfois elle travaille. Elle conduit peu, sauf à Bagdad. Elle ne joue pas aux jeux de société, à la maison ou encore moins dans les cafés, comme les hommes. Ici, elle est indépendante, elle est beaucoup plus libre".
En France, la vie est chère mais confortable
« En Irak, mon salaire d’institutrice, 500$, nous permettait de vivre confortablement. Ici, c’est bien plus cher, mais on trouve presque de tout, comme chez nous. Je peux cuisiner comme en Irak, même si les fruits et légumes n’ont pas la même saveur. Et … le fromage ici a un goût spécial.
En France, c’est propre. Il y des poubelles partout…En Irak les gens jettent les ordures par terre, le sol en est jonché. Le sable, la poussière, s’incrustent partout. Je devais nettoyer trois fois par jour la maison. Les canalisations ont été détruites ou sont bouchées ; l’eau, devenue rare, sert plusieurs fois pour la cuisine ou la toilette. Et les rues sont souvent inondées en cas de pluie ».